Wing Chun :

Le Wing Chun s'est développé pour intercepter les coups de poing. À ce moment d’interception, le comportement se modifie instantanément. L’origine, la capacité et la direction de la puissance – ainsi que l’intention de l’adversaire – changent toutes en un instant, déclenchées par la mise en place du pont ou par des frappes infligeant des dommages. 

La pression pugilistique est fragmentée. Elle est saccadée – erratique, fluctuante et ponctuée de changements brusques. Des mains non entraînées au ressenti tendent à se déplacer uniquement en lignes droites quand les poings touchent ou ratent. Lorsque la résistance est rencontrée, la réaction est souvent aléatoire et propre à l’individu. Le toucher envoie des signaux vers et depuis le cerveau environ 20 millisecondes plus vite que la vue.

En combat, lorsqu’on affronte quelqu’un qui s’appuie sur la coordination main-œil, utiliser le ressenti place légèrement en avance – plus proche du futur, pour ainsi dire. Pourtant, cet avantage n’a de sens que si l’on peut lire et s’adapter sur l’instant, avec précision et synchronisation.

Il est vital de distinguer entre le contact et le ressenti – ce n’est pas la même chose. On peut être en contact avec quelqu’un et percevoir un mouvement, mais tant qu’on n’est pas capable d’en interpréter les qualités et les insuffisances, on n’est pas réellement équipé pour lire la situation. C’est comme la lecture : tout le monde peut voir les mots sur une page, mais tout le monde ne saisit pas le sens de la phrase. Les stimuli violents tendent à être chaotiques. Ils impliquent plus que de la pression linéaire. Le contact est rompu et rétabli dans des tentatives constantes d’échapper et de générer de la puissance.

En réalité, face aux coups de poing, le rythme, le timing et la pression fluctuent tous. Si l’on a développé la compétence du ressenti, on peut se connecter, s’adapter et se déplacer avec l’assaut – libéré des schémas fixes ou des réponses préconçues.

Le ressenti physique nous ancre dans la réalité. Il déduit plus vite et se révèle plus fiable que la vue. Il offre la confirmation ultime du « maintenant » – un espace où l’attente et la supposition se dissolvent, remplacées par un savoir qui nous permet d’opérer dans le « factuel ».

Dans cet état, nous passons de la mémoire guidant le probable à la confirmation directe de l’actuel.  « Le technique est limitée, pas le ressenti ».

Le Wing Chun (詠春) est un style relativement tardif si l'on prend l'histoire des arts martiaux traditionnels chinois dans leur ensemble, on pourrait même le qualifier de style "moderne" si l'on considère son développement actuel et sa spécificité. Mais, comme tout art martial proprement chinois, il trouve ses racines dans une longue généalogie qui, au gré des contextes politiques ou clandestins, a engendré une diversité sans pareil de manière de combattre et cultivé cet esprit créatif avec cette double exigence d'efficacité frontale et de rester adaptable à ce qui advient, pour préserver son intégrité et renforcer sa vitalité.

De tous les styles traditionnels, le Wing Chun est probablement celui qui se veut le plus synthétique, épuré et radical, mais paradoxalement, le plus exigeant en matière d'approche martiale. Avec ses 5 formes (Taolu), Il se veut être un sytème de pieds-poings sophistiqué au corps à corps, se prolonge avec la maîtrise d'une perche en bois en guise d'arme longue et du double couteau pour les armes courtes, dont les séquences sont conçues pour prendre le dessus sur l'adversaire en 3 secondes d'interaction. Son fameux mannequin de bois, le "deuxième maître" comme certain aiment l'appeler, est l'outil dont un pratiquant ne saurait faire l'économie s'il est conçu et enseigné correctement. 

Pour la petite histoire, selon la légende, comme souvent dans l'histoire des arts martiaux chinois, le Wing Chun trouverait son origine dans la personne d'une femme qui, de par sa constitution naturellement plus faible que celle des hommes en général, aurait compris que la seule manière de déployer et d'absorber beaucoup de puissance est d'exploiter une structure particulière permise par le corps humain à partir de laquelle les formes et techniques qui en découlent trouvent leur logique et des principes fondamentaux : demeurer au contact de l'adversaire en exerçant une pression sur son centre, être assis sur soi-même pour constamment utiliser le sol comme appuis (absorptions, projections et percutions), faire face sans jamais être en face et finir le plus vite possible.

Pour la "grande" Histoire, c'est autour de 1919, dans la presse ou des publications cantonaises, que le « Wing Chun » apparaît comme désignation d’un style pour la première fois. Les chercheurs (Judkins & Nielson, 2015) situent la cristallisation du style dans le delta de la Rivière des Perles (région Canton/Hong Kong/Foshan), dans le contexte de la fin des Qing et du début de la République (1912). L'émergence du Wing Chun est très probablement liée aux réseaux de l’opéra cantonais itinérant et aux cercles urbains de Foshan (une ville commerçante et artisanale active dans les guildes et les sociétés secrètes) dans un contexte social très mouvementé et factieux, où l'usage des armes constituait la quasi exhaustivité du style. Ce n'est que plus tard que...

À quoi ça ressemble?

Venez essayer ?